18/01/2012

Another happy day : les Levinson, auteurs à acteurs de père en fils

 Another happy day : 3 / 5

Dans la catégorie des cinéastes "enfants de", Sam Levinson bénéficie, contrairement à Sofia Coppola, Nick Cassavetes ou Mathieu Demy, d'une ascendance à la personnalité moins marquée, celle de Barry Levinson. Connaissant son heure de gloire à la fin des années 80 avec Good morning, Vietnam et surtout Rain man, récompensé de 4 Oscars en 1989, le réalisateur scénariste est un artisan dont le talent est reconnu par le public et la profession mais dont le style est finalement peu reconnaissable. On retiendra davantage de ses films des numéros d'acteurs prodigieux, qu'il s'agisse de Robin Williams ou Dustin Hoffmann. De manière similaire, le style du jeune Sam Levinson (26 ans) ne brille pas par son originalité dans son premier film Another happy day mais ce sont plutôt ses acteurs qui en font le charme.


Prix du scénario au festival du film de Sundance consacré au cinéma indépendant, Another happy day réunissait les conditions pour ce prix en s'inscrivant dans un registre familier du cinéma américain indépendant, à savoir la mise au premier plan de personnages dépressifs ou marginaux qui ne rentrent pas dans l'idéal de l' "American way of life". L'auteur du film a beau se réclamer d'objectivité, vouloir "raconter une histoire sans personnages positifs ou négatifs, sans que le public sache pour qui ressentir de l'empathie, qui aimer ou qui détester" [1], son film n'en prend pas moins parti, en privilégiant dans le récit le point de vue d'un groupe de personnages inadaptés. Soit Lynn, mère hypersensible, et ses deux enfants Ben et Elliot, le premier aux tendances autistes et le deuxième drogué et dépressif, rejoints plus tard par sa fille Alice suicidaire : leur présence au mariage du fils de Lynn qu'elle n'a pas élevé est sans surprise l' occasion de tensions avec un reste de la famille qui se targue de représenter l'ordre de la normalité. Un effet de déjà-vu parcourt donc le film mais l'écriture efficace, surtout dans les moments de comédie satirique, permet de le suivre sans lassitude. Le final du film, malgré son côté attendu, laisse quant à lui entrevoir une maîtrise assez sûre de la mise en scène qui laisse augurer du meilleur pour la suite de la carrière de Sam Levinson.


Mais si Another happy day parvient à maintenir l'intérêt du spectateur, c'est surtout grâce à une distribution parfaite. Ellen Barkin est crédible dans un rôle difficile de personnage hypersensible toujours prête à exploser, et sa confrontation avec son ex-mari et sa famille ou son discours aux mariés sont les moments les plus émouvants du film. La grande Ellen Burstyn, en matriarche distante, est saisissante d'autorité silencieuse jusqu'à ce que son masque tombe et sa fragilité se dévoile. Mais l'acteur le mieux servi reste Ezra Miller : après avoir épouvanté dans We need to talk about Kevin, il trouve dans le rôle d' un fils cynique et destructeur, qu'il incarne avec une perversité jouissive, l'occasion d'offrir une nouvelle fois un miroir terrible et lucide à l'Amérique bien-pensante, parodiant par le biais d'une mise en abyme cruelle le cirque des médias américains.

[1]  Dans une interview pour le dossier de presse d' Another happy day

1 commentaire:

  1. Entièrement d'accord avec cet avis très agréable à lire, je découvre votre blog et le suivrai avec plaisir ! Bonne continuation.

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