29/01/2012

Sherlock Holmes - jeu d'ombres vs Sherlock la série

Sherlock holmes - jeu d'ombres : 2 / 5
Sherlock (la série) : 4 / 5

Après s'être égaré avec le très justement nommé A la dérive puis avoir achevé son suicide artistique avec Revolver, Guy Richie avait connu un retour en grâce avec le premier volet de Sherlock Holmes. Le film avait beau se dérouler à un rythme épuisant, le duo efficace Robert Downey Jr - Jude Law, une bonne dose d'humour et une intrigue complexe mais habilement construite en faisaient une remise au jour plutôt convaincante du héros de Conan Doyle, qui n'avait pas bénéficié d'une adaptation cinématographique depuis longtemps. L'apparition de l'ennemi juré du détective en fin de film, le professeur Moriarty, promettait une suite encore plus exaltante. A l'arrivée, le bilan est pourtant au mieux mitigé, la faute en partie à une série enthousiasmante produite par la BBC. Lancé par deux habitués de la série Doctor Who, Stevenen Moffat et Mark Gattis, Sherlock qui adapte les récits de Doyle dans une Angleterre contemporaine s'avère autrement plus satisfaisant que la version de Guy Ritchie, et ce sur différents plans.




On peut d'abord regretter que Sherlock Holmes : jeu d'ombres évacue presque totalement le caractère de brillant déducteur de son héros. Alors que le premier opus dévoilait dans sa dernière partie un réseau complexe d'indices glanés par Holmes tout au long du film, le second se résume hélas à une course-poursuite interminable. Si la nouvelle dont le film s'inspire, "Le dernier problème", se présentait comme une aventure où Holmes cherchait à semer Moriarty plus que comme une enquête, force est de constater que le film de Ritchie ressemble trop souvent à un film d'action lambda. Robert Downey Jr, loin du héros à l'esprit brillant auquel le public est habitué, incarne un excentrique dont les principales qualités sont un don pour le déguisement et pour le combat au corps-à-corps. Dans ce dernier domaine, l'idée de faire analyser par le héros les combats à venir dans des flash-forwards au ralenti fonctionnait dans le premier film mais devient malheureusement ici un tic de mise en scène, faute de se renouveler à l'exception toutefois d'un affrontement final assez réussi. Lors d'une fuite des héros en forêt, l'utilisation du ralenti, bien que produisant un effet esthétique assez réussi, devient même arbitraire, sans lien avec le récit. En contraste avec ce ralenti du mouvement, Sherlock propose un esthétique de l'arrêt sur des détails de l'image, donnant à voir les détails observés par Holmes à partir desquels il tire des conclusions, renouant alors avec le plaisir des romans et nouvelles de voir l'esprit vif du héros à l'œuvre. Les esthétiques contraires du film et de la série sont incarnées par  leurs interprètes principaux : à l'opposé de l'énergie un peu épuisante de Downey Jr sur la longueur, Benedict Cumberbatch est d'une sobriété exemplaire, une rationalité faite homme beaucoup plus fascinante.



Le film de Guy Ritchie pose également le problème de choisir un point de vue moins intéressant que celui le plus souvent adopté par Doyle. En effet l'écrivain écossais choisit Watson comme narrateur des aventures de Holmes, et le lecteur peut alors partager l'admiration éprouvée par le docteur pour son ami hors du commun. Sherlock Holmes : jeu d'ombres évoque ce point de vue narratif en ouverture et conclusion, mais le film fait plutôt le choix de se situer aux côtés de Holmes, qui perd alors de son aura de mystère. La série de Moffat et Gatiss joue au contraire de cette aura, comme ressort comique aussi bien que dramatique (voir le dernier épisode de la saison 2). En plaçant le spectateur du côté de Watson, incarné par un Martin Freeman idéal en héros ordinaire et faillible, la série garde un point d'entrée pour le spectateur qui se retrouverait sans cela dépassé par la rapidité de déduction de son compagnon. 

Mais plus qu'une simple relation de maître à élève, Holmes et Watson développent bien entendu une amitié indéfectible, dont le sous-texte homosexuel plutôt absent des récits de Conan Doyle est exploré dans le film comme la série. Encore une fois, la série fait alors preuve de plus de finesse. Si la situation de départ de transformer la lune de miel de Watson en aventure entre hommes est intrigante dans le film de Ritchie, l'idée est explorée de manière un peu trop outrancière pour sortir du registre la farce un peu lourde , avec au sommet l'image de Holmes travesti en femme qui demande à Watson de s'allonger à ses côtés : on s'attendrait presque à le voir faire un clin d'œil complice au spectateur. On préférera largement Un scandale en Belgravie, premier épisode de la deuxième saison de Sherlock, où l'ambiguïté du rapport Holmes-Watson qui interfère dans la vie sentimentale du docteur et la capacité ou non de Holmes à éprouver des sentiments pour une femme sont traités admirablement, via une Irène Adler réinventée avec brio.



Pour conclure, on peut cependant noter que sur un point la version de Ritchie peut s'avérer supérieure à la série : James Moriarty. Si le film respecte l'image classique du personnage en Napoléon du crime impitoyable et sophistiqué, Sherlock, dans un souci d'originalité, a choisi d'en faire un criminel un rien déséquilibré dont les échanges avec Holmes évoquent un peu trop des dialogues entre Batman et le Joker pour réellement convaincre. Mais il s'agit d'une faute somme toute mineure, qui ne prive en rien Sherlock de sa victoire incontestable sur son rival au grand écran.

La saison 2 de Sherlock vient juste d'être diffusée sur BBC One, elle devrait être programmée sur France 4 dans l'année.

1 commentaire:

  1. Attention, spoilers dans ce commentaire ! Je sors de Sherlock Holmes, le film... J'ai failli partir au début, heureusement les choses se sont arrangées vers le milieu (quand Holmes et Watson partent en Allemagne). Entre Robert Downey Jr qui en fait des tonnes (la seule scène où je l'ai trouvé bon est la scène dans le bureau de Moriarty où il apprend la mort d'Irene), ces ralentis inutiles mais pourtant systématiques pendant les scènes d'action, l'absence totale de véritable intrigue et les déductions "vas-y moi j'ai tout compris" de Holmes qui tombent comme un cheveu sur la soupe, c'est un peu épuisant.
    Cela dit, il est indéniable que le duo Downey-Law fonctionne à merveille et si le film est regardable, c'est grâce en grande partie à leur alchimie. J'ai beaucoup aimé Moriarty (puis Jared Harris est dans Mad Men, que j'adore), même si je t'avoue que j'aurais préféré voir Mark Strong, qui jouait Lord Blackwood dans le premier volet, endosser ce rôle. Cet acteur a une présence extraordinaire.
    La poursuite dans les bois est excellente (malgré les ralentis) et le grand final est très réussi. Malgré un bémol: quand Holmes visualise son combat avec Moriarty en voix-off, et que soudain, on entend aussi la voix de ce dernier, je n'ai pas pu m'empêcher de repenser à la scène surréaliste de Twilight avec les loups-garous télépathes. J'ai trouvé ça ridicule...
    Concernant la différence Moriarty film/Moriarty TV, je t'avoue que contrairement à beaucoup de fans, j'aime beaucoup le Moriarty de Moffat, ce côté complètement chien fou décomplexé. C'était vraiment inattendu, pour le coup.
    Je m'en vais regarder la 2ème saison de Sherlock dès ce soir, maintenant que j'ai fini Boardwalk Empire, et nul doute que je vais beaucoup plus apprécier cette version-là !

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