12/03/2012

Cheval de guerre : le galop des émotions

Cheval de guerre : 3,5 / 5
  
Avec le premier volet des Aventures de Tintin, Spielberg explorait à fond les possibilités du numérique et du procédé du "motion capture" au service d'un film trépidant à défaut d'être émouvant. Par contraste, Cheval de guerre est un retour aux émotions mélodramatiques et aux formes d'avant les images digitales. Sortie à Noël aux Etats-Unis, cette adaptation d'un roman pour enfants s'adresse en premier lieu à un public jeune. Pour autant, les plus âgés ne peuvent-ils y trouver leur compte ?


On a envie de citer en préambule du film de Spielberg celui de La belle et la bête de Jean Cocteau : "L'enfance croit ce qu'on lui raconte et ne le met pas en doute [...] Elle croit mille [...] choses bien naïves. C'est un peu de cette naïveté que je vous demande [...]". Sur le papier, cette histoire d'un cheval au courage et à la volonté extraordinaires, pris dans le tumulte de la première guerre mondiale, laisse sceptique :  l'anthropomorphisme à l'œuvre pour tous les animaux, du canard de basse cour aux chevaux solidaires dans l'adversité, menace de faire tomber le tout dans la niaiserie. Le talent de Spielberg est de parvenir malgré tout à nous faire nous émouvoir du destin de son héros équidé, à nous emporter dans son récit hyperbolique. Roi des manipulateurs, le réalisateur guide nos émotions comme peu d'autres, aidé par la musique dramatique de John Williams. A quoi tient cette empathie si forte avec le cinéma de Spielberg ? Peut-être avant tout à l'absence totale de cynisme de ce "story teller" qui croit sincèrement en ce qu'il nous raconte. Il est alors peu surprenant qu'un de ses films les plus faibles soit la comédie 1941 où le second degré tombe à plat.


Cheval de guerre n'est pas sans défauts pour autant, faisant se succéder sur deux heures et demie les péripéties d'une fresque aux épisodes plus ou moins inspirés. Malgré la présence de Peter Mullan, Emily Watson et David Thewlis, la première partie (soit près d'une heure) qui se situe dans la campagne du Devon, sans être honteuse, n'arrive pas à intéresser durablement ; Spielberg est plus à l'aise une fois la guerre en action, et le passage du cheval dans les mains d'une compagnie offre une demi-heure admirable, entre un humanisme digne de John Ford et la charge épique d'un camp allemand, véritable morceau de bravoure cinématographique. Au fur et à mesure que le film s'enlise dans la guerre, Spielberg ose une noirceur désespérante pour dire l'horreur de la guerre, jusqu'au décor gothique et hallucinant des tranchées obscurcies par le brouillard, la nuit ou la neige. Perdu au milieu ce décor de désolation, l'animal héros est le vestige d'une noblesse et innocence d'avant la folie de la guerre, un symbole d'espoir vibrant. On peut trouver ce discours pacifiste un peu simpliste après-coup mais le tour de force de Spielberg est de nous y faire croire sur le moment.

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