30/04/2012

Avé / Querelles : sur la route, loin des blockbusters


 Avé
: 3,5 / 5

Querelles :  2,5 / 5

Aux antipodes du méga blockbuster The Avengers, mercredi dernier sont aussi sortis deux premiers longs métrages, deux road movies : Avé du bulgare Konstantin Bojanov et Querelles de l'iranien Mortera Farshbaf. Le premier film suit deux adolescents qui parcourent la Bulgarie en auto-stop tandis que le second relate le trajet en voiture d'un couple et de leur neveu en direction de Téhéran après l'annonce d'un accident grave dont les parents de l'enfant ont été victimes. Avec lequel de ces deux groupes prendre la route ?


Dès les premières minutes, les films opèrent des choix de mise en scène bien distincts. Après un plan d'ensemble sur la ville de Sofia, Avé se positionne rapidement au côté de son héros masculin Kamen, avec une esthétique simple et réaliste : le choix récurrent de plans-séquences tient alors à l'intention de Boujanov de permettre au spectateur de « se concentrer sur l'action et les émotions, sans se laisser distraire par les mouvements d'appareils inutiles » (propos du réalisateur tirés d'un entretien réalisé pour le dossier de presse du film). 
 

Là où Avé privilégie plutôt le récit et ses personnages, Querelles fait preuve d'une recherche formelle plus prononcée. Ce parti pris est évident dans l'obscurité qui ouvre le film et met l'accent sur une dispute que l'on entend hors-champ avant que les phares d'une voiture découvrent l'enfant éveillé qui a tout entendu. Par contraste, la deuxième séquence est une succession de plans muets sur des paysages de jour traversés par une voiture, avec des dialogues qui apparaissent en sous-titres. Par ce passage insolite, le réalisateur prépare à la découverte d'un couple de sourds-muets à l'intérieur du véhicule. L'originalité du film tient alors à la construction d'une tension dramatique dans des plans fixes où le couple se dispute au premier plan au sujet de l'avenir de l'enfant, peut-être orphelin, installé à l'arrière de la voiture, tout en tentant de lui dissimuler leurs tourments. 


Le choix d'une forme visuelle (longs plans fixes) et sonore (silence des sourds-muets) en contraste avec les thèmes violents de l'intrigue de Querelles est intéressante, mais relève malheureusement un peu trop souvent du procédé, comme le cinéma d'Abbas Kiarostami dont Farshbaf est le disciple. Film assez exigeant et peu narratif, Querelles prend le risque de laisser son spectateur sur le bas-côté, et sa conclusion indécise risque d'en dérouter plus d'un. Le spectateur patient aura tout de même droit à quelques beaux moments de cinéma, comme ce plan où le groupe devient flou, filmé à travers un pare-brise sur lequel tombe une pluie abondante, ou ces confessions déchirantes qui laissent place à l'obscurité de tunnels : Farshbaf trouve alors la forme idéale pour faire ressentir l'isolement et le profond désarroi des personnages de Querelles face à une crise intime qui peut être perçue comme métaphore de l'impasse politique dans laquelle se trouve l'Iran (le remerciement final adressé au cinéaste emprisonné Jafar Panahi tend à confirmer cette hypothèse). 


Sans être d'un optimisme renversant, Avé est une œuvre beaucoup plus chaleureuse, moins repliée sur elle-même. Le métrage de Bojanov est ouvert à une galerie de personnages variés que le couple de héros vagabonds croise sur sa route, qu'il s'agisse d'un camionneur lubrique, d'un automobiliste violent ou d'une famille endeuillée pittoresque. Mais le film raconte avant tout une belle rencontre, celle entre la jeune fille qui lui donne son titre et Kamen. Avé, personnage romanesque, ne cesse d'inventer des fictions, faisant passer son compagnon de route pour son frère ou son amant, usurpant l'identité d'une autre. Elle semble insouciante, vole des lunettes de soleil pour se donner des airs de star et affiche un sourire charmeur : Anjela Nedyalkova lui donne une énergie et une grâce juvéniles qui portent le film , et contrastent à merveille avec le jeu agressif de son partenaire Ovanes Torosyan. Avec ce duo de personnages attachants, le film livre un double portrait intimiste touchant : la découverte progressive du désespoir dissimulé par Avé et la lente et belle évolution des principes de Kamen (il défend d'abord une honnêteté brutale à l'opposé de l'attitude de la jeune fille avant de finalement rentrer dans le jeu du mensonge) sont les sources d' une émotion qui manque un peu à Querelles.

En bref : Avé est un road movie touchant aux personnages attachants, tandis que Querelles est plus exigeant, réservé aux amateurs du cinéma d'Antonioni ou de Kiarostami.

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