23/04/2012

Twixt : entre "Twin Peaks" et "Sin city"


Twixt
:
2,5 / 5


Afin d'aborder le dernier Coppola, revenons à son titre dont le sens échappe aux anglophones les moins avertis : « twixt » est une forme ancienne de « between », soit « entre ». Et force est de constater que ce titre convient parfaitement à une œuvre qui se situe dans un espace intermédiaire et mêle le réel au rêve et à la fiction (au niveau de sa narration mais aussi de sa conception). On peut aussi se montrer plus sévère et considérer que le cinéaste se cherche dans un entre-deux, pour un résultat finalement peu probant. Ni nanar ni chef d’œuvre, Twixt est un film pas mauvais, sans plus.



Dans la lignée de ses deux précédents films, Coppola a choisi d’auto-produire Twixt hors du système hollywoodien, en choisissant lui-même ses collaborateurs : il en profite pour associer une nouvelle fois sa famille à son travail, en confiant à sa petite-fille le tournage du « making of ». Mais avec ce mode de production le réalisateur entend surtout trouver la liberté nécessaire à des films très personnels.

Le héros, Hall Baltimore (Val Kilmer), est ainsi un écrivain d'horreur sur le retour, miroir de Coppola qui confie dans un entretien accordé aux Cahiers du cinéma «  J'ai toujours eu le sentiment que, du point de vue de ma carrière, j'étais sur le déclin ». L'auteur va même chercher dans ses blessures les plus intimes, évoquant par le biais de la fiction, 25 ans plus tard, la mort prématurée de son fils Giao. Malgré tout le respect que l'on doit à cet exercice sincère d'auto-analyse, il aboutit à un film qui a du mal à susciter la moindre émotion, la faute en partie à un style et des afféteries visuelles qui créent une distance, mais surtout à un manque de profondeur des personnages : Hall Baltimore peine à être autre chose qu'un antihéros bouffon et bouffi, médiocre et peu attachant.


Mais si Twixt ne parvient pas à émouvoir, son réel problème est de ne pas se servir de son cadre de production indépendant pour faire une proposition réellement originale. Le noir et blanc bleuté des scènes de rêves ponctué de touches de couleur est sublime mais, mis à part un travail sur les luminosités (le halo qui entoure une jeune fille morte, le contraste d’une lampe à la lumière jaune), amène peu de nouveautés par rapport à l’esthétique de Sin city. Twixt retrouve même finalement l’ambiance glaçante du film de Robert Rodriguez et Frank Miller dans le récit de la mort tragique d’un groupe d’enfants.

L’ombre qui plane encore davantage sur le dernier film de Coppola est cependant celle de Twin peaks, et la comparaison joue évidemment en défaveur de Twixt. On retrouve d’abord l’humour noir de l'œuvre de David Lynch lors des scènes se déroulant dans le bureau du shérif ; l’influence devient flagrante dans celle où une femme joue un air folk tandis que son mari entame une danse inquiétante dans un décor de rideaux et tapis rouges, ou dans l’envol angélique d’une jeune fille qui évoque le final de Twin Peaks : fire walks with me ; enfin, comme autrefois pour l’agent du FBI Dale Cooper, l’inspiration vient pour Hall Baltimore de scènes rêvées. Coppola prend un plaisir évident à jouer avec les codes du film de genre horrifique, mais le résultat final paraît bien timide comparé aux libertés narratives que prenaient David Lynch et Mark Frost.


En choisissant l'angle de la carrière de Coppola, quelle place accorder à Twixt ? La comparaison avec les mythiques Parrain ou Apocalypse now n'a pas vraiment lieu d'être car le film s'inscrit dans une lignée plus expérimentale et personnelle de l'œuvre de son auteur. On pourra par contre trouver son dernier opus décevant au regard des propositions formelles encore stimulantes aujourd'hui que sont Coup de cœur ou Rusty James.

En bref : pour les amateurs de série B et ceux qui n'ont pas vu Twin Peaks

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