03/02/2014

12 Years a Slave : la liberté perdue

3 / 5

Après le saisissant Hunger, qui racontait la grève de la faim menée jusqu’à sa mort par le prisonnier irlandais Bobby Sands, et Shame et son portrait un peu vain d’un « sex addict », le britannique Steve McQueen choisit pour son troisième long métrage 12 Years a Slave un nouveau récit mettant le corps au premier plan. Cette fois-ci le corps au centre de l’intrigue est incarné par Chiwetel Ejiofor, dont l’interprétation exceptionnelle en fait un des favoris des Oscars, bien qu’ elle ne lui ait pas valu le Golden Globe.


Comparé aux autres films sur l’esclavage, l’originalité de ce récit adapté des mémoires de Solomon Northup est de traiter d’un phénomène peu connu de la première moitié du 19ème siècle aux Etats-Unis : l’enlèvement d’afro-américains libres, vendus ensuite dans des états esclavagistes. Steve McQueen pose la situation de Northup avec un brio remarquable, à l’aide de plans savamment choisis et pour la plupart sans dialogues : le statut d’intégration dont jouit le protagoniste est ainsi résumé par une séquence de bal qui découvre Northup dans un recadrage une fois la musique interrompue, le visage de l’artiste s’offrant alors aux applaudissements. 

De façon générale, Steve McQueen s’affirme durant la première heure comme un conteur efficace, ce que ne laissait qu’assez  peu entrevoir ses deux précédents longs métrages qui privilégiaient la forme au fond. Durant ce premier temps, 12 Years a Slave passionne par deux aspects : d’une part, le film informe sur les détails du système de l’esclavage, comme lors de la présentation des esclaves dénudés vendus aux riches propriétaires dans un salon ; d’autre part, il joue des ambiguïtés morales des personnages, qu’il s’agisse d’un propriétaire d’esclaves au discours bienveillant (Benedict Cumberbatch) ou de Solomon Northup lui-même, qui espère regagner son statut d’homme libre en collaborant avec son « maître » et considère assez peu le sort de ses compagnons de misère, faisant passer sa survie avant tout.


Le trajet de remontée vers le statut d’homme libre de Northup est hélas interrompu de façon brutale, et laisse place dans un deuxième temps à un lieu infernal où s’enlise 12 Years a Slave, celui de la plantation de coton d’Edwin Epps. Certes Michael Fassbender, révélé par Steve McQueen avant de devenir son acteur fétiche, ne démérite pas dans ce rôle de propriétaire brutal, mais le récit stagne, pour s’attarder sur les souffrances des esclaves que l’on ne connait que trop bien : viols, coups de fouets à répétition, le tout en temps réel, dans des plans séquences desquels il est impossible de s’échapper. Steve McQueen reprend alors sa casquette de formaliste, et le spectateur hésite entre malaise et ennui. La prise de conscience finale de Solomon Northup à la sortie de  cet enfer a beau être émouvante, elle ne parvient pas à faire oublier cette deuxième heure éprouvante et lassante. 


2 commentaires:

  1. Je l'ai vu hier avec Willène, je l'ai trouvé magnifique, puissant et sobre (parce que sans pathos hollywoodien ridicule et inutile).
    Par contre, juste pour chipoter, Chiwetel Ejiofor concourait pour le Golden Globe du meilleur acteur dans la catégorie "drames", GG qui a été remporté par Matthew McConaughey pour The Dallas Buyers Club. Leonardo Di Caprio a gagné dans la catégorie "comédies".

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  2. Je corrige donc mon erreur concernant les Golden Globes.

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