16/06/2014

Black Coal : un polar surprenant pris dans la neige et les reflets des néons

4 / 5

Dans la première partie des années 2000, l’émergence du cinéma sud-coréen sur la scène internationale s’est faite par l’intermédiaire du polar, qu’il s’agisse de la trilogie de la vengeance de Park Chan-Wok (Sympathy for Mr Vengeance, Old Boy et Lady Vengeance), ou des impresionants Memories of Murder ou The Chaser. Après A touch of Sin de Jia Zhangke dont le premier « épisode » évoquait également le polar, Black Coal, Ours d’or au festival de Berlin, confirme un intérêt nouveau du cinéma chinois pour le genre. Comme dans le cas des films coréens, le film de Diao Yi’Nan a recours au genre pour jouer avec ses codes, afin d’aboutir à une proposition singulière et stimulante qui bénéficie à la fois de l’efficacité d’une forme populaire qui a fait ses preuves et de la liberté artistique du cinéma d’auteur.


Rentrant immédiatement dans le vif du sujet, Black Coal s’ouvre sur le plan d’un morceau de corps perdu dans un chargement de charbon. La séquence d’introduction alterne la découverte de cette anomalie morbide avec les segments opaques d’une scène de couple : une partie de carte aux règles étranges laisse la place à un rapport sexuel violent qui semble imposé par l’homme, avant que ce dernier se jette une dernière fois sur la femme lors de leurs adieux à une gare. Dans ce contexte de film noir où les femmes sont les victimes en sursis du désir violent des hommes, le corps nu découpé est bien entendu imaginé comme celui d’une femme à partir du bras trouvé à l’usine de charbon, à la fois par les ouvriers et le specateur du film ; fausse piste puisqu’il s’agit de celui d’un homme…

Diao joue avec les attentes tout au long de son film, installant une atmosphère intrigante du fait des zones d’ombre de l’intrigue policière mais aussi en incoroprant des éléments burlesques qui accentuent le parallèle avec les ploars coréens, Memories of Murder en premier lieu. L’enquête menée par le protagoniste central (Fan Liao, prix d’interprétation mérité au festival de Berlin), l’homme instable présenté dans les scènes du couple, s’interrompt ainsi d’abord sur un bain de sang à la surenchère gagesque. On ne retrouve ensuite le personnage que cinq ans plus tard, bouffi et alcoolique, tandis que le décor citadin s’est transformé sous l’effet d’une neige envahissante.

Avec sa neige où les pas s’enfoncent dans un bruit de craquement sourd qui contraste avec le son des patins qui glissent sur la glace, ses néons nocturnes qui colorent l’image de teintes baroques, Black Coal est une réusite formelle à l’originalité incontestable. Le film fonctionne à son maximum dans son milieu, où une série de scènes quasi-muettes décrit la poursuite d’un suspect, silhouette inquiétante aux patins à glace. Diao ne parvient pas à maintenir cette belle intensité dans tout son film, le dernier mouvement de Black Coal après un dernier retournement de situation s’avérant moins convaincant. Malgré ses quelques baisses de rythme, ce polar chinois reste une œuvre atypique qui mérite d’être découverte, proposant une relecture efficace des archétypes de film noir que sont le détective privé ou la femme fatale (ambigüe et magnifique  Lun Mei-Gwei).

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