28/08/2015

Coup de chaud : malaise en France

3,5 / 5

Par une nuit de pluie torrentielle, un homme ensanglanté se traine avant de s’écrouler. Le destin funeste du blessé semble être scellé par le cimetière ensoleillé découvert après une ellipse. Cependant l’inconnu nocturne apparait non seulement bel et bien vivant, mais va jusqu’à dérober la figurine d’un ange accroché à une pierre tombale. Il ne s’agit là que d’un des nombreux interdits bravés par Josef, dont on apprend vite qu’il est une source désignée de soucis pour les habitants d’un village. L’épreuve d’une canicule estivale n’arrange pas la situation.


En choisissant de dévoiler dès l’ouverture de Coup de chaud une partie de la résolution des tensions entre Josef et ses voisins, Raphaël Jacoulot prenait le risque de gâcher le suspens de son polar. Il n’en est rien et au contraire cette prolepse introductive ne fait que contribuer à l’ambiance de malaise qui parcourt tout le film. Le cinéaste prend le temps de poser une communauté, de nous la rendre proche. On a de la sympathie pour Diane (Carole Franck), une agricultrice dont les champs souffrent de la sécheresse tandis que son voisin plus fortuné peut arroser les siens. On compatit pour un maire de village bienveillant (Jean-Pierre Daroussin), bien en peine lorsqu’il s’agit de gérer les conflits ou faire les discours.


Si ces personnages sont attachants, Jacoulot ne brosse pas pour autant une image d’Epinal de la campagne française. Microcosme reflétant les maux de la société, on y trouve les mêmes difficultés économiques et sociales. Nouvel arrivé dans le village, Rodolphe (Grégory Darbois) a du mal à exiger des habitants à la situation précaire de payer pour ses travaux de vitrier. La famille de Josef, ferrailleurs Gitans, est mise à l’écart par le reste du village, et ce dernier est la cible des moqueries des jeunes qu’il côtoie.


Comment pourrait-il en être autrement ? Légèrement retardé, Josef est innocent comme un enfant tout en ayant des pulsions bien adultes. Il en devient imprévisible et chacune de ses apparitions porte une tension dramatique étouffante. Entouré d’une distribution excellente, Karim Leklou s’empare de ce rôle en or et impressionne, faisant preuve tour à tour d’une subtilité et d’une intensité qui sèment le trouble. On ne sait que penser de Josef : un instant il nous apparaît comme un danger public, l’autre comme une victime incomprise. Jacoulot instille encore plus le doute par un sens aigu de l’ellipse et du hors-champ. Dommage qu’un épilogue explicatif vienne un peu trop balayer nos incertitudes, mais cela n’enlève pas grand chose à la justesse dérangeante de ce Coup de chaud digne des meilleurs films de Claude Chabrol.

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